Article du Meuf Club - Le rapport au Corps

Le rapport au corps

Durant mon suivi mensuel, chez ma célèbre gynécologue dorénavant, son obsession première a été ma prise de poids. Après la surprenante étape «sonde endovaginale» lors de cette première visite, j’ai eu droit à la redoutable épreuve de la pesée. Je commençais à me rhabiller alors qu’elle retournait derrière son bureau et je l’entends me demander «pesez-vous et dites moi». L’angoisse monte tranquillement, je rentre d’une semaine à NYC comme vous savez, je n’ai volontairement pas de balance chez moi par peur de sombrer dans une psychose et le poids a toujours été un vrai sujet chez moi. «69, poids érotique» -je tente la vanne- «poids habituel?» «67» «date de vos dernières règles» une fois encore je ne comprends pas la question et je donne la date de fin plutôt que la date de début. La sentence tombe : 1 mois de grossesse, +2kg. Les calculs sont pas bons. Son ratio à elle c’est 1kg/mois, là ça semble cata «il va falloir surveiller attentivement». Je sors de son cabinet enceinte pour sur et vraisemblablement en surpoids. J’y suis quand même retournée chaque mois et chaque mois j’ai eu droit à cette même question agaçante «retrait de stérilet?» (non toujours pas) et aux yeux très noirs quand j’annonçais mon poids. A 6 mois de grossesse elle me dit «bon accouchement Madame», ça semble prématuré, je demande quand même «il me reste encore 3 mois non?». Et c’est là que j’apprends, qu’à partir de maintenant mon suivi se fera à la maternité. Surprise!

"J’ai eu droitdroit à la redoutable épreuve de la pesée."

Qui sait que son gynéco ne l’accouchera pas, sérieusement? Elle ne manque pas de me remettre une enveloppe à leur transmettre sur laquelle elle écrit «+14!». Heureusement pour elle, elle ne m’a pas escortée jusqu’au bout de ma grossesse, pauvre femme, elle aurait défailli à l’annonce de mes +23kg à terme.

Il va falloir surveiller attentivement.

Là, je plaisante volontiers de l’anecdote mais ça me fait finalement moyennement rigoler. Pour certaine personne le poids, l’apparence physique plus globalement, reste un sujet touchy. Génial pour celles et ceux qui arrivent à vivre loin des codes instaurés par notre société, moi pas. Du plus loin que je me souvienne, l’image que j’ai de moi-même a toujours dicté ma façon de me comporter : tu occupes suffisamment d’espace physiquement, n’en prends pas plus par ta parole, par tes gestes, par ton style vestimentaire.Très honnêtement j’aime vraiment beaucoup la libération des corps par le mouvement body positivism, mais ça ne me sied pas personnellement.J’ai grandi abreuvée d’images de femmes sans bourrelets, sans poils, sans cellulite. Dans mon entourage, toutes «faisaient attention» ou compensaient les excès par le sport. A la maternelle on m’a traitée de «gros bourdon» et ça m’a dévastée; vers 10 ans j’ai réalisé qu’en maillot de bain je pouvais rentrer le ventre mais pas les cuisses; un peu plus tard mon père (évidemment sans mal penser) m’a dit «Tu sais ce qu’est une belle plante? Une femme charpentée.Toi, t’es une belle plante» ou encore quand une fois au restau je faisais des petits bonshommes en mie de pain que j’engloutissais ensuite «ne mange pas ça, petits bonshommes mais grosse bonne femme». A 14 ans je cherchais avec une copine le meilleur moyen de se faire vomir (contexte : élection de Miss France), spoiler : on a trouvé.

"A la maternellematernelle on m’a traitée de «gros bourdon» et ça m’a dévasté."

A 17 ans j’ai passé plusieurs mois à vomir chacun de mes repas, j’ai eu l’intelligence d’arrêter quand j’ai constaté que ça me rendait triste dans la vie, presque un peu déprimée. Alors j’ai tenté de m’affamer, comme dans le Diable s’habille en Prada «juste un petit carré de fromage quand je sens que je suis sur le point de m’évanouir». Dans ma 20aine j’ai vécu seule pour la première fois alors ça a été l’orgie de bouffe, j’avalais en quantité astronomique tout ce à quoi je n’avais pas eu droit chez mes parents, puis je vomissais ou me punissais d’une manière ou d’une autre. J’ai ensuite testé plein de techniques : régime à base d’oeufs durs ou de chou, Ducan, sauter des repas, se nourrir exclusivement de coca light, etc... Et je continuais de ne jamais aimer l’image qui se reflétait dans mon miroir, même pas un petit «ça passe». En parallèle, j’ai vite pris conscience que les mecs avaient une toute autre image de moi, eux ils voyaient des gros seins et le reste globalement bien proportionné, alors ils sont devenus mon ego booster. J’ai consommé des mecs comme des pilules amincissantes : beaucoup, régulièrement et sans résultats apparents. A 25 ans, je rencontre mon mec actuel sur Tinder, je suis plutôt écorchée mais ça se dissimule bien. Comme ce n’est pas sérieux et que cette relation n’ira jamais nulle part, je ne perds rien à jouer la meuf à l’aise avec son corps dans ses bras, je décide par exemple de n’avoir plus peur de l’amour à la lumière du jour.Il reste. il s’accroche fort jusqu’à avoir envie d’un enfant de moi. J’hésite fortement, ma crainte évidente était de ne jamais perdre le poids accumulé durant 9 mois. On se lance dans l’aventure comme vous savez, j’enfle sans discontinuer, plus ma gyneco me tabasse avec ses injonctions, plus je mange.Quand j’apprends qu’on attend une fille, je refuse d’y croire parce que je sais que ce sera difficile de la tenir éloignée des diktats. Aujourd’hui je conserve certaines névroses mais j’essaye d’être discrète, de contrer tant que je peux les éventuelles remarques de l’entourage (« la cantine est bonne! » « elle est bien portante », really ?), de ne plus me flageller quand j’estime avoir trop mangé parce que je n’ai pas envie qu’elle pense que c’est la normalité, j’ai envie qu’elle soit libre et libérée. Pour ça, l’idéal serait de me libérer moi-même.Ce serait sans doute malin de prendre en compte le background de ses patientes pour adapter son discours, ou la réorienter vers un diététicien.Ou encore, soi-même, se sentir libre de changer de gyneco.

"J’ai consommé desdes mecs comme des pilules amincissantes."

Je n’ai pas de problème avec ma façon de faire, je suis très consciente qu’elle n’est pas la meilleure mais je ne sombrerai plus parce que dorénavant j’ai Louise et qu’elle a besoin d’exemples sains.

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